Si la télévision peut faire appel à ce qu'il y a de moins noble dans l'être humain dans les émissions de téléréalité, il faut reconnaître qu'elle m'a donné la possibilité de réfléchir un peu sur la question de la reconnaissance individuelle et l'égo en particulier. En effet, j'ai eu l'occasion il y a quelques semaines d'être contacté par des journalistes de 2p2l la société de production qui s'occupe de l'émission "On n'est pas quedes cobayes" sur France 5 pour un défi cobaye "Peut-on flotter dansl'eau gazeuse?" Ce tournage m'a fait m'interroger sur deux points : le statut de ma participation individuelle à une expérience télévisuelle dans le cadre de mon métier de chercheur, le second sur la représentation du chercheur comme un personnage singulier qui travaille seul, ou éventuellement avec d'autres chercheurs.
Lorsqu'il a été question que je passe à la télévision
dans une émission scientifique, je n'ai pas hésité une seconde, partant du
principe qu'il ne faut jamais perdre une occasion de mettre de la science, et
pourquoi pas de la physique, dans l'espace public. J'ai d'ailleurs le sentiment
que la diffusion des connaissances étant une des missions du chercheur, il ne faisait
aucun doute que je pouvais faire cela sur mon temps de travail, en particulier
en ne posant pas de jour de congé pour me rendre sur le tournage. Pourtant, une
première objection m'a été faite : la société de production qui fabrique cette
émission est une société privée qui capitalise sur l'expertise que j'ai acquise
en travaillant au CNRS. Je serais donc, en quelque sorte, en train de faire
gratuitement de la consultance pour une société privée! Je serais alors en
train de brader de la valeur payée par le contribuable. Dans le cas de cette
émission particulière, ceci serait renforcé par le fait que l'on ne répond pas
seulement à une interview. En effet, on la prépare en testant des expériences à
l'avance et surtout on joue notre propre rôle dans une émission scénarisée. La
question est intéressante. Il y a plusieurs manière d'y répondre. La première
est d'un point de vue juridique : demander aux services juridiques du CNRS
s'ils pensent que l'organisme est lésé. La seconde est plus "communautaire"
en utilisant les reseaux sociaux, en espérant qu'elle intéresse suffisamment
pour que d'autres chercheurs s'en emparent. Une deuxième objection est que l'on
va sur un tournage par narcissisme pour répondre à un besoin individuel de
valorisation de son image, de son métier et de son savoir. Je n'ai pas envie de
réfuter cette affirmation : s'il y a toujours un peu d'appréhension à se voir
et s'entendre, la joie dans les yeux de nos enfants et la fierté de nos proches
quand ils nous voient à la télévision est une motivation importante qui n'est
pas sans procurer un certain plaisir. La question de l'égo comme motivation du
chercheur est trop complexe pour être abordée aujourd'hui.
c'est ce plaisir individuel qui motive la seconde partie
des ce post. Lorsqu'on va dans une telle émission de télévision, on y apparaît
seul, certes comme un expert d'un domaine ayant une communauté derrière, mais
seul. Ceci reflète mal la réalité de
notre travail. Nous, chercheurs, travaillons en équipe et avec de nombreuses
personnes qui n'ont pas la joie d'être montrées à la télévision malgré leur
rôle fondamental. Si je ne pense qu'à la préparation de cette émission de
télévision, j'ai demandé de l'aide au service mécanique et instrumentation de
mon laboratoire pour qu'ils m'aident à préparer un bateau pour le mini James,
j'ai dérangé une ingénieure pour qu'elle m'aide à filmer les tests avant de les
envoyer à la télévision, j'ai sollicité une gestionnaire pour qu'elle prépare
un ordre de mission pour que je sois couvert lors du tournage, j'ai appelé la
chargée de communication du CNRS pour qu'elle me conseille... Tous ces gens ont
été remerciés sur le générique et je comprends que la télévision ne puisse
guère faire plus.
Pourtant, c'est bien peu de choses car eux aussi ont des
enfants, des amis, des proches qui peuvent être fiers du travail de ceux
indispensables à la science, mais jamais représentés dans l'imaginaire
collectif et dont les postes sont toujours ceux que l'on a envie de supprimer
quand on parle de réduire le nombre de fonctionnaires...
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